CORPS MÊLÉS: Marie-Claire Messouma MANLANBIEN - ABIDJAN
Galerie Cecile Fakhoury
13 AVRIL - 10 JUIN 2023
(En)
The works of Marie-Claire Messouma Manlanbien are like biographies, in images, of human relationships: the artist observes them, she transforms them into signs. These narratives, from the matrix - notably this series of pieces, which she has been making for a few years now, which are like apparitions of life in the fold of paper, from an orifice or an original nucleus - have extended to the representation of prolific universes, notably in the larger, more recent pieces. There have always been larger pieces, but the diversity, the richness, of the environment that populates them has increased.
The artist's relational diagrams are always embodied from a textile base, or, when it comes to paper, it must have a fabric-like flavor: there is tissue paper, canvas, raffia, which can serve as a base for this humanity. And the recurrent use of a specific textile, the Ivorian kita. Marie-Claire Messouma Manlabien works it like a sculptor: she removes and adds, she modifies the course of the weaver's patterns. This textile quality, omnipresent, makes certain pieces seem close to clothing; they are ready to become dresses.
Marie-Claire Messouma Manlanbien says that she observes the relationships between human beings, - with attention and a kind of hindsight perhaps - and the consequences of these relationships: blockage, stress, anxiety sometimes. It is for these clashes, or these silences between individuals, living or dead, that she develops a plastic grammar. Between two heads she models, - it is each time a new sculptural invention, it is sometimes hair, an embroidery, a cut sponge - a knot: and here is a cosmogonic blockage if not resolved, symbolized. (She prefers to call "heads" the small masks inspired by the Akan cult that she creates in plaster or resin and that populate her works, so as not to divert attention).
The artist is not interested in the relations between human beings in a reduced sense: she extends this look to the living, to the relations between the human, animal, vegetable kingdoms and the elements. There is the hum of a series of infinite clashes and what these concussions draw of inexorable today for the living. In his work, all the forms of life are put at the same level, they merge, the most essential organs merge in the vegetable, the species are interdependent, necessary for their mutual survival.
Water and the human figure have gained the most recent works. Ever more cosmic expanses: it is simply a matter of talking about life. Glistening leather scales, a "mermaid leather" says the artist, evoke Mami Wata, all waters, the threats that weigh on them, and the liquid of a maternal womb. Whole beings, doubled, evoke the crossed crocodiles (or crossed caimans) of the Akan imagery. Marie-Claire Messouma Manlabien explains that these human figures, since her work is read and received in different geographies, prevent the discourse from getting lost on the side of "tradition" (which could happen with masks or crocodiles), something that does not make much sense for her who tries to speak with forms in all the languages that are hers.
The sensation of witnessing the birth, the organization or the reconfiguration of a world, in front of her pieces, is also linked to the multiplicity of materials involved - stone, glazed ceramics, tree resins with amber tones ("vegetable blood" according to the artist), embroidery (notably from hair and pubic hair), The artist's work is characterized by the multiplicity of motifs - heads, but also bees ("because they work together to maintain their ecosystem"), seahorses ("because it is an incarnation of the sharing of procreation"), nipples or corals. The technical and plastic invention is always marvelously in phase with the power of the motif: thus of these large human figures that we mentioned, drawings in black on white printed in negative on canvas and to which the transformation in white on black gives a galactic character.
Marie-Claire Messouma Manlanbien repeats it: each one has an aura. And working together is an obligation.
Eva Barois De Caevel
(Fr)
Les œuvres de Marie-Claire Messouma Manlanbien sont comme des biographies, en image, de relations humaines : l’artiste les observe, elle les transforme en signes. Ces récits, depuis la matrice — notamment cette série de pièces, qu’elle réalise depuis quelques années déjà, qui sont comme des apparitions de la vie dans le pli du papier, depuis un orifice ou un noyau originel — se sont étendus à la représentation d’univers prolifiques, notamment dans les grandes pièces les plus récentes. Il y a toujours eu des pièces plus imposantes, mais la diversité, la richesse, de l’environnement qui les peuple s’est accrue.
Les diagrammes relationnels de l’artiste s’incarnent toujours à partir d’une base textile, ou, quand il s’agit de papier, celui-ci doit avoir une saveur proche du tissu : il y a du papier de soie, de la toile, du raphia, qui peuvent servir de socle à cette humanité. Et l’usage récurrent d’un textile spécifique, le kita ivoirien. Marie-Claire Messouma Manlabien le travaille en sculptrice : elle retire et elle ajoute, elle modifie le cours des motifs du tisserand. Cette qualité textile, omniprésente, fait que certaines pièces semblent proches du vêtements ; elles sont prêtes à devenir des robes.
Marie-Claire Messouma Manlanbien dit qu’elle observe les rapports entre les êtres humains, — avec attention et une sorte de recul peut-être — et les conséquences de ces rapports : blocage, stress, anxiété parfois. Ce sont pour ces heurts, ou ces silences entre individus, vivants ou défunts, qu’elle développe une grammaire plastique. Entre deux têtes elle modélise, — c’est à chaque fois une nouvelle invention sculpturale, ce sont parfois des cheveux, une broderie, une éponge taillée — un nœud : et voilà un blocage cosmogonique si ce n’est résolu, symbolisé. (Elle préfère nommer des « têtes » les petits masques inspirés du culte Akan qu’elle créé en plâtre ou en résine et qui peuplent ses œuvres, pour ne pas détourner l’attention.)
L’artiste ne s’intéresse pas aux relations entre êtres humains dans une acception réduite : elle étend ce regard au vivant, aux rapports entre les règnes humains, animaux, végétaux et les éléments. Il y a là le bourdonnement d’une série de heurts infinis et ce que ces commotions dessinent d’inexorable aujourd’hui pour les vivant·e·s. Dans son travail, toutes les formes de vie sont mises au même niveau, elles se confondent, les organes les plus essentiels se fondent dans le végétal, les espèces sont interdépendantes, nécessaires à leur survie mutuelle.
L’eau et la figure humaine ont gagné les œuvres les plus récentes. Étendues toujours plus cosmiques : il s’agit tout simplement de parler de la vie. Des écailles de cuir scintillantes, un « cuir de sirène » dit l’artiste, évoquent Mami Wata, toutes les eaux, les menaces qui pèsent sur elles, et le liquide d’un ventre maternel. Des êtres entiers, dédoublés, évoquent les crocodiles croisés (ou caïmans croisés) de l’imagerie Akan. Marie- Claire Messouma Manlabien explique que ces figures humaines, puisque son œuvre est lue et reçue dans différentes géographies, évitent que le discours ne se perde du côté de la « tradition » (ce qui pourrait arriver aux masques ou aux crocodiles), quelque chose qui n’a pas grand sens pour elle qui tente de parler avec des formes dans toutes les langues qui sont les siennes.
La sensation d’assister à la naissance, l’organisation ou la reconfiguration d’un monde, face à ses pièces, est aussi liée à la multiplicité des matériaux engagés — pierre, céramique vernissée, résines d’arbres aux tonalités ambrées (du « sang végétal » selon l’artiste), broderie (notamment à partir de cheveux et de poils pubiens), éponge grattoir, photographie imprimée sur toile, ou encore peinture et dessin sur soie — et à la multiplicité des motifs — têtes donc, mais aussi abeilles (« parce qu’elles travaillent ensemble pour maintenir leur écosystème »), hippocampes (« parce que c’est une incarnation du partage de la procréation »), mamelons ou coraux. L’invention technique et plastique est toujours merveilleusement en phase avec la puissance du motif : ainsi de ces grandes figures humaines que nous évoquions, dessins en noir sur blanc imprimés en négatif sur de la toile et auxquels la transformation en blanc sur noir donne un caractère galactique.
Marie-Claire Messouma Manlanbien le répète : chacun·e possède une aura. Et fonctionner ensemble est une obligation.
Eva Barois De Caevel